Critique de Malédictions

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Vous n'y retourneriez sous aucun prétexte, question de vie ou de mort. Dans la précipitation vous avez perdu vos amis et espérez que vos poursuivants ne les aient pas attrapés. Dire que Martin était il y a peu quelqu'un que vous appréciiez.

Malédictions est la participation de Fabrice G au concours de fiction interactive francophone de 2022.

Elle se décrit comme une « fiction interactive entre teenage movie et film d'horreur » (assez loin de sa participation de l'année dernière, donc). Je dois dire que je ne fais pas vraiment partie du public cible, mais j'ai quand même passé un bon moment.

Un départ sur les chapeaux de roue…

Vous êtes poursuivi. Vous ne savez pas où sont vos amis. Sauf Martin, qui est désormais à vos trousses. Pourquoi ? Et dire que la journée avait si bien commencé.

Et le jeu rembobine. Eh oui, il s'agissait d'une prolepse (le flashforward des gens qui ont du vocabulaire 😛). Même si cela permet de démarrer dans l'action (et en bon point, l'auteur a pris soin de mentionner les enjeux), je trouve que ce genre de ruse a des défauts : chute de tension quand on arrive au « vrai » début, sensation que l'auteur a voulu « cacher » un début moyen, révélation ce qui arrive à la fin, problèmes de continuité…

Cela dit, le jeu est court, et ça ne fonctionne pas mal non plus ici. Quand on arrive au « vrai » début, on découvre qui sont les personnages, que j'ai trouvés attachants. Dommage qu'ils deviennent un peu passifs dans la seconde partie du jeu ! (J'imagine que l'auteur a manqué d'un peu de temps, comme ça arrive si souvent !) J'ai aussi bien aimé les allusions au passé de la maison et à ses mystères ; bien que peu nombreux, elles donnaient bien l'impression que le bâtiment avait une histoire.

Comme un petit goût de parser

Cette fiction interactive, écrite avec ink (donc du choix multiple), emprunte néanmoins beaucoup de codes des jeux avec analyseur syntaxique (ou parser) : on explore des endroits, déverrouille des tiroirs, combine des objets et allume des torches… Les classiques des jeux d'aventures !

J'aime beaucoup quand les fictions interactives hypertextes font ça : ça permet de combiner le dynamisme des choix multiples dans les séquences de dialogue ou de poursuites avec le côté plus contemplatif des jeux à parser dans les phases d'exploration.

Toutefois, c'est un peu dommage que le jeu garde quelques défauts évitables du parser.

Les libellés des options sont par exemple à l'infinitif (« s'approcher de la fenêtre ») alors qu'ils gagneraient peut-être à être actifs (« vous vous approchez de la fenêtre »). Pire, les déterminants manquent parfois (« ouvrir armoire »), comme quand le joueur les omet en tapant une commande pour aller plus vite. Ça pourrait être fait exprès pour faire « semblant » d'être du parser (et au fond ça a réveillé le joueur de parser en moi, si l'on peut dire), mais comme ça n'est pas systématique…

La prose dans les phases d'exploration est aussi un peu robotique, avec la description de l'endroit qui se répète et la liste des objets visibles.

Oui, ces problèmes sont présents dans les jeux à analyseur syntaxique, mais il est facile de les ignorer (on distingue rapidement ce qui est une description ou une commande et on la saute). Dans Malédictions, un peu moins.

Mais bon, je chipote un peu quand même. Globalement, l'exploration était fluide et fonctionnait bien.

De l'horreur à l'optimisation

Le jeu est une suite de scènes indépendantes où il faut trouver la bonne séquence d'actions pour passer à la suivante, le plus souvent avec un nombre de tours limité. Passé ce délai, le jeu propose de recommencer la scène.

J'ai bien aimé explorer chaque endroit, même s'il est dommage que les solutions soient le plus souvent assez arbitraires ; on se retrouve alors à tout essayer jusqu'à trouver ce qui va faire avancer l'histoire. Et refaire plusieurs fois les mêmes événements, sans crainte de pénalité, diminue le côté « horreur » du jeu.

Cela dit, ce genre de séquence à temps limité pose une question de gameplay difficile, et je ne sais pas s'il existe une solution satisfaisante à ce problème sans baisse de tension ni mort subite frustrante.

Puisqu'on en est à parler de répétitions, il se trouve que le jeu donne une note à nos relations avec les autres personnages à la fin ! Cela incite à recommencer le jeu pour essayer d'avoir le meilleur score possible (ou pourquoi pas le pire…). Là encore, à force de rejouer, le côté horrifique disparaît, mais j'ai franchement pris du plaisir à recommencer. Juste dommage qu'on doive se refaire le flashforward à chaque fois. (Bon d'accord, il est possible de sauvegarder sa partie juste après et la charger au lieu de recommencer depuis le tout début.)

Ça apporte en tout cas une petite surprise sympa pour ceux qui aiment tout découvrir ! (J'en fais partie.)

Verdict

J'avais pronostiqué que ce jeu se placerait dans le milieu du classement, et comme les résultats sont disponibles, je vois que je ne me suis pas trompé.

En effet, si Malédictions n'est pas révolutionnaire, il n'en a de toute façon pas la prétention. Une chose qui amènerait le jeu à un autre niveau serait d'avoir un peu plus d'interaction avec les personnages, qu'ils réagissent un peu de temps à autre à ce qui se passe dans l'histoire. Mais même sans cela, on passe un bon moment, et les quelques défauts sont faciles à ignorer et seront faciles à corriger pour l'auteur.